Tchad: le système éducatif au bord du gouffre ?

Article : Tchad: le système éducatif au bord du gouffre ?
Crédit: AMISOM via Iwaria
8 avril 2023

Tchad: le système éducatif au bord du gouffre ?

Au Tchad, les difficultés économiques et la mauvaise gouvernance ont conduit l’Etat à des situations de plus en plus difficiles paralysant son système éducatif. La qualité et l’efficience du système éducatif régressent, les infrastructures scolaires se dégradent à un rytme effreiné et le personnel est moins qualifié. Comment faire face à la dégradation générale du système éducatif tchadien ? Comment pourrions-nous sauver la génération future en vue de lui réserver une vie épanouissante, sachant que l’éducation reste le seul attribut qui peut changer positivement le monde.

C’est ainsi que le célèbre leader Nelson Mandela affirmait que :

L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer monde

Nelson Mandela
Salle de classe – Crédit AMISOM via Iwaria

L’importance d’une éducation de base pour les populations

Le Tchad est un pays de l’Afrique centrale, il couvre une superficie de 1.284.000 Km2 pour une population d’environ 16 millions d’habitants en 2016 d’après les projections de l’Institut National de la Statistique, des Etudes Economiques et Démographiques (INSEED). Le niveau éducatif est relativement bas car plus des trois quarts de la population est analphabète. Sur le plan démographique, la proportion des enfants et des jeunes, potentiels demandeurs d’éducation, ne cesse d’augmenter au fil des ans. En effet, la proportion des enfants de moins de 15 ans est passée de 45,6% en 1964 à 48,1% en 1993.

On le sait, l’éducation constitue l’un des attributs les plus importants de la population parce-qu’elle détermine pratiquement tous les aspects de la vie des individus. C’est la raison pour laquelle il existe de nos jours un consensus mondial sur l’importance de l’éducation, particulièrement l’éducation de base (accroître l’accès à l’enseignement primaire tout en ciblant également la qualité de l’enseignement pour la lecture, l’écriture et le calcul). L’éducation de base est vue comme un préalable pour les pays en développement, car elle permet de répondre aux nombreux défis auxquels ils font face. Elle est à la fois un moteur de développement économique, un facteur de socialisation et de modernisation. L’éducation de base pour toutes les populations représenterait donc un atout énorme pour un pays comme le Tchad.

Les efforts conjugués du gouverment tchadien à l’éducation nationale à travers de nombreux projets

Le Tchad a pris à son compte dans le plan d’action nationale de l’éducation pour tous, les objectifs de Dakar et du Millénaire pour le Développement (8 objectifs clairement définis). Il a aussi adopté la Déclaration de la Politique de Population en 1994, dont l’objectif général n°3 est d’éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des filles et des femmes. A cette occasion, le secteur de l’éducation a fait l’objet de plusieurs réflexions et s’est réformé. Ces reflexions ont abouti à la mise en place de différents projets et programmes, parmi lesquels : l’usage des langues nationales, le projet Education à la Vie Familiale et en Matière de Population (EVF/EMP), le Projet d’Appui à la Réforme du Secteur de l’Education au Tchad (PARSET), la mise en place du Centre National de Curricula (CNC), etc.

Mais aujourd’hui chacun peut constater que tous ces objectifs visés restent loin d’être atteints. les défis à relever sont énormes, le système éducatif tchadien est confronté à de nombreuses difficultés qui entravent son développement.

Enfants en classe – Crédit AMISOM via Iwaria

Le système éducatif tchadien actuel est-il accroupi à terre ?

Le système éducatif tchadien actuel se caractérise par une forte augmentation de l’effectif des élèves, à tous les niveaux. En effet, durant la dernière décennie, les effectifs scolaires ont augmenté dans tous les cycles d’enseignement, à un rythme moyen annuel variable de 8 à 12%, pour ensuite enregistrer une baisse à partir de 2015. Tout de même, cette situation dénote d’une forte demande sociale en éducation.

L’insuffisance des enseignants qualifiés déployés sur l’ensemble du territoire national reste un grand défi pour l’Etat. Dans le Tchad profond, les écoles manquent cruellement d’enseignants. La concentration des enseignants qualifiés dans les grands centres urbains (la ville de N’Djaména et quelques villes du Sud du pays) constituent une faille dans le système éducatif qui entrave à l’épanouissement de la population et freinant l’accès des enfants à leur droit le plus élémentaire.

La forte présence de maîtres communautaires (MC) dans le système éducatif (environ 67% du total des enseignants) qui interviennent dans les écoles publiques et communautaires du primaire constitue un handicap majeur pour l’émergence de l’éducation au Tchad.  Les maîtres communautaires ne répondent pas aux demandes de l’enseignement, ils n’ont pas un niveau adéquat, le niveau est en baisse. Cet aspect est un élément clés de la baisse de la qualité de l’éducation nationale du pays.

La majorité de ces enseignants communautaires gagnent entre 4 à 24 fois moins que leurs homologues de l’Etat, un maître communautaire reçoit généralement 60 000 FCFA par mois, tandis qu’un enseignant du primaire diplômé d’une licence reçoit aux environs de 300 000 FCFA mensuel. L’Etat doit se donner les moyens de ses ambitions pour améliorer le système éducatif du pays, il devrait recruter des instituteurs et des professeurs diplômés pour enseigner tant au primaire qu’au secondaire.

Mais la mauvaise gouvernance a entraîné à un dérapage de pouvoir de l’Etat par certains individus. Parmi les enseignants déployés sur l’ensemble du territoire, certains ne parviennent pas à temps à leurs lieux d’affectations, pour des raisons généralement méconnues. Cela serait aussi l’une des causes de la baisse de niveau éducatif dans l’ensemble du territoire national. D’une façon générale, le niveau d’instruction reste très faible sur l’ensemble du territoire  À peine deux tiers des enfants d’une génération accèdent à l’école depuis une dizaine d’années et environ 45 % des personnes âgées de 6 à 24 ans n’ont pas été scolarisées (chiffres AFD). Le taux d’alphabétisation de la population adulte est de 22,3% au niveau national (45,7% en milieu urbain et 15% en milieu rural), selon les données du recensement général de la population et de l’habitat de 2009.

L’absence d’éducation touche généralement les zones rurales et plus particulièrement les jeunes filles. Selon les dernières données de l’Unesco, près de 57 % des filles âgées de 6 à 15 ans qui sont toujours privées de scolarisation. Ouvrir plus largement l’écoles aux filles et aux populations rurales est aujourd’hui un vrai défi pour le Tchad.

Source : Soumaine Rahama. Les élèves de CM de l’école de centre de Djedaa, chef lieu du département de Ouadi-Rimé (Batha).

L’instabilité politique peut-elle etre un frein à l’harmonisation et à l’amélioration du système éducatif ?

Le Tchad a longtemps fait face à un défi sécuritaire en consacrant ses efforts sur le renforcement des dispositifs militaires et en laissant de côté le système éducatif tchadien dans l’agonie. Par conséquent, les infrastructures scolaires se sont détériorées de plus en plus au fil des ans, au su et au vu de tout le monde, laissant le système éducatif s’écrouler dans un vide total.

La présence des écoles à cycle incomplet dans les communes, les communautés rurales et les villages constitue une source d’abandon pour les enfants, imposer des cycles incomplet empêche aux enfants de poursuivre leurs études jusqu’au primaire et secondaire.

Les écoles manquent de tout. Elles sont de moins en moins équipées, il y a une insuffisance criante de matériel pour les élèves et les enseignants. Ils manquent de tables-bancs, des salles de classes bien aérées, et même parfois des clôtures en béton pour mettre tous les élèves à l’abri de toute éventuelle circonstance. Au final, la conjonction de diverses causes handicapent fortement le fonctionnement du système éducatif tchadien. Cela limite également son offre, de sorte qu’aujourd’hui au moins 400 000 enfants en âge scolaire ne fréquentent pas l’école, soit un taux de plus de 12%.

Face à une démographie galopante, il est essentiel de financer le redressement du système éducatif tchadien

La croissance démographique élevée à laquelle le pays fait face implique d’énormes investissements humains, financiers et matériels pour répondre à la demande d’éducation à venir. Il y a une pression réelle sur les infrastructures scolaires. La taille moyenne par classe et le taux d’encadrement étaient très élevés par rapport aux normes de l’UNESCO

Pour les pays en voie de développement, l’UNESCO recommande 50 élèves par enseignant et par classe. Au Tchad, dans certains chefs-lieux de provinces, les salles de classes contiennent souvent 70 élèves, en revanche dans les zones rurales (les sous-préfectures) il n’y a quasiment pas d’élèves ! Il y a tout au plus une dizaine d’élèves par classe, qui sont assis presqu’à mi-terre. Il y a donc de grandes disparités de situations selon les régions et de nombreux efforts à fournir pour changer cette situation.

Les conditions matérielles de travail des enseignants et des élèves sont tellement dégradées que l’on observe une déperdission importante dans le primaire et le secondaire. Il semble que le contrôle du système éducatif échappe aux pouvoirs publics. On assiste ces dernières années à une prolifération d’établissements privés qui ne respectent ni le programme, ni les instructions officielles. C’est une dérive dangereuse pour l’éducation des jeunes Tchadiens. L’école publique devrait être en mesure d’offrir une éducation de base de qualité, cela empêcherait le système privé, qui n’apporte pas de réponse de qualité, de proliférer.

Dans le souci de palier à ce problème, le gouvernement a tout récemment pris la décision de suspendre pour deux ans la demande d’autorisations de création d’établissements scolaires privés sur l’ensemble du territoire national.

La page officielle du Journal en ligne alwihdainfo.com

Espérons que la Tchad parviendra à proposer des solutions concrètes et réalistes pour améliorer son système éducatif qui a grandement besoin d’être reconsidéré et soutenu. C’est une priorité.

Partagez

Commentaires