Parfait Djimnadé, un jeune tchadien pionnier de l’agrobusiness

Article : Parfait Djimnadé, un jeune tchadien pionnier de l’agrobusiness
Crédit: Djimnadé Parfait
12 septembre 2022

Parfait Djimnadé, un jeune tchadien pionnier de l’agrobusiness

J’ai rencontré un jeune tchadien qui me fascine à travers son travail de la terre et son intelligence à transformer les idées. Djimnadé Parfait est un coach en développement professionnel et en leadership et consultant indépendant en management et stratégie d’entreprises.

Je lai connu il y a quatre ans sur les réseaux sociaux notamment Facebook. Aujourd’hui j’aimerais partager avec vous son parcours professionnel et nous allons aussi découvrir comment il s’est résolu à se frayer un chemin après avoir perdu son boulot de technicien mécanicien pour devenir entrepreneur.

Crédit : Parfait Djimnadé, Coach en développement professionnel et en leadership et consultant indépendant en management et stratégie d’entreprises.

1. Bonjour coach Parfait, pouvez-vous vous présenter à mes lecteurs ?

Bonjour tout le monde, je suis ravi de l’opportunité que vous m’accordez. Je m’appelle Djimnadé Parfait, connu sous le pseudo coach Parfait. Je suis ingénieur mécanicien à la base, diplômé de l’Institut polytechnique de Mongo/Guera. À la sortie de l’Institut, j’ai été embauché comme technicien à la société nationale de ciment. Mais trois ans plus tard, j’ai du perdu mon boulot. Entant que délégué du personnel, j’ai été licencié avec 5 autres collègues mais il faut noter que pendant que j’y étais, je pensais à me reconvertir parce que le milieu industriel et surtout au niveau de la SONACIM( Société Nationale du Ciment) ne me plaisait pas beaucoup.

Il n’y a pas de valeur accordée aux techniciens pour ne pas dire les ingénieurs. Je ne pouvais pas me reconvertir parce qu’abandonner le boulot c’est un contexte que vous vous connaissez. Ensuite, j’ai dû utiliser mon salaire pour une formation en ligne sur laquelle j’ai pu choisir une filière qui me va. Parce que je veux me reconvertir et devenir un entrepreneur. C’est au niveau de l’Institut International d’ingénierie de l’eau et de l’environnement 2IE que j’ai opté pour le management des entreprises des organisations. Et c’est qui m’a attiré là-bas, le module entreprenariat englobant à peu près quatre modules dont l’entrepreneuriat (comment passer de l’idée à l’entreprise, le montage de projet, business plan, l’étude des marchés et la législation de travail). Alors, c’est déjà complet pour celui qui veut entreprendre. En effet, juste après mon master 1, j’ai effectivement perdu mon boulot et cela ne m’a pas permis de continuer au master 2.

Pendant que j’étais embauché, j’ai lancé le procédure de création de mon entreprise tout en identifiant le secteur d’activité sur laquelle nous menons nos activités, j’ai choisi le secteur agricole parce que j’ai trouvé par une simple analyse, que le secteur primaire a plus de débouchés que d’autres secteurs et moins aussi contraignant. Parce que quand tu produits, tu peux vendre tes produits à tout moment à n’importe qui. Par contre, dans d’autres secteurs il n’y a pas cette opportunité d’accès au marché. Alors, pour éviter tous ces tracasseries j’ai préféré d’investir dans le secteur primaire qui est la production agricole. Pour ce faire, je me suis associé avec mon frère aîné qui est aussi ingénieur agronome diplômé de l’Institut des Sciences agronomiques de Sarh, et voilà on s’est échangé, mon grand qui est encore au chômage a accepté de se mettre avec moi pour qu’on cocrée notre toute première entreprise agricole, une société à responsabilité limitée SARL avec un capital de 1 millions de FCFA.

Toute l’économie qui me restait est le million que je mets sur la table puis j’ai partagé en deux, dont cinq cents milles chacun. De ce fait, nous sommes associés à part égale sous entendu mon frère aîné m’a prêté cinq cents milles pour que ça devienne sa part dans la société. Et plus tard, il m’a remboursé cette somme là. Voilà à peu près comment je suis entré dans l’agrobusiness. C’est juste parce que le secteur est porteur et c’est un secteur d’avenir.

2. Comment avez-vous eu l’idée de l’entreprenariat agricole ? Nous savons que vous avez un diplôme en génie mécanique de l’Institut polytechnique Mongo. Pourriez-vous nous présenter votre entreprise ?

En ce qui concerne mon entreprise, elle s’appelle ENTRAG entreprise des travaux agricoles SARL. C’est-à-dire une entreprise à responsabilité limitée avec deux associés à part égale, créée le 12 mars 2015. Et comme je le disais c’est aussi le 12 mars 2015 que ma lettre de licenciement a été signée. Cependant, chaque 12 mars, je célèbre deux évènements : mon départ de l’industrie et mon entrée dans le milieu des affaires. À la base, nous avons trois activités principales : la production agricole.

Nous nous sommes dits avec la production agricole qu’on ne pouvait pas atteindre véritablement nos objectifs qui sont entre autres de gain de beaucoup d’argent et de créer aussi beaucoup d’emplois. Avec le système pluvial, nous avions assez de difficultés donc nous avons dû associer d’autres services annexes qui sont les formations, le conseil, l’assistance technique aux petits producteurs de capacité de production allant de 0,5 à 2 hectares. C’est ceux-là qu’on appelle petit producteur. Et ensuite, le suivi et réalisation des champs de particulier. En outre, nous avons aussi développé des activités de l’élevage des petits ruminants et des volailles. Dès 2019 à nos jours ENTRAG appuie, crée et mis sur pied ce qu’on appelle l’incubateur Agrobusiness Tchad.

Ce dernier est un incubateur spécialisé dans l’accompagnement des jeunes porteurs de création d’entreprise agricole. Là, nous offrons donc les formations, le coaching, le mentoring et l’accompagnement allant de 3 à 9 mois pour permettre aux jeunes d’avoir le BAB dans le domaine technique mais aussi les outils pour réussir entant qu’entrepreneur sinon pour réussir dans les affaires surtout agricole.

3. Quelles sont les attentes du public par rapport aux produits et services que vous offrez?

Les attentes du public, vous savez les tchadiens du Nord comme Sud gèrent les deux activités principales au temps jadis. C’est-à-dire le Nord où l’on pratique l’élevage, le Sud c’est l’agriculture. Le Tchadien ne croit pas qu’il est normal sinon nécessaire pour ne pas dire urgent de solliciter un service, une expertise dans le domaine de l’élevage ou de la production agricole. Alors il pense qu’il avait grandi dans ça et il peut le faire facilement. C’est pourquoi, au début, nos services n’ont pas été adopté par la population.

Nous avons une production agricole basique notamment de riz, du sésame blanc, de l’arachide et du mil sorgho. À la base, nous avons démarré nos activités avec trois hectares et aujourd’hui nous sommes à une capacité de production agricole de plus vingt hectares avec une ferme installée sur trois hectares que nous appelons un village avec des quartiers d’où le quartier de petits ruminants, le quartier de volailles, le quartier de porc, le quartier de maraîchage et enfin le quartier de tubercules.

Vous voyez, en termes de production nous n’avons pas de souci mais en termes de service offert on n’atteint pas vraiment l’attente de la population. C’est à partir de là que nous est venu l’idée de proposer le service de suivi et réalisation des champs de particulier. C’est quoi ? Tu viens, tu passes à N’Djaména, on te propose ce service mais tu dois le faire à Moundou parce que là-bas se trouve notre siège. Nous on te fait en devis de production avec de promesse de rendement. Par exemple si on veut te produire sur un hectare de l’arachide alors on te dit que tu vas avoir une tonne de graine d’arachide à la récolte mais au cas où nous n’atteignons pas ce résultat, on te compense. Et toi tu attends à la fin de la récolte dix sacs de graine d’arachide avec nous. Donc, ça c’était vraiment le problème et cela a coïncidé avec l’attente de la population cible. Parce que beaucoup de gens en ville veulent investir chez eux mais pour faire du business avec les parents ça n’a pas toujours marché.

Dans la plupart des cas, les parents prennent l’argent mais au final ne font rien à la personne. C’est pour cette raison que nous avons proposé cette offre et ça pris vraiment. Je m’en souviens très bien en 2018, nous avons pu produire 107 hectares dont 15 hectares étaient les nôtres et le reste était exclusivement dédiés aux clients. Ça au moins, nous l’avons réussi. Mais actuellement, on peut dire que tous nos offres vont avec l’attente de la population.

À cet effet, la population se rend compte que ce que nous avons dû hériter de nos parents est totalement différent de ce qu’on peut faire aujourd’hui sinon de l’agrobusiness parce que nos parents étaient dans la production de subsistance mais pas dans la notion de business. Alors pas de calcul, pas de compte d’exploitation agricole. Les gens finissent par se rendre compte aujourd’hui qu’on est submergé par la demande. Ils passent tous les jours au bureau pour prendre des conseils ou souscrire à une formation. Des gens qui viennent à titre individuel pour payer une formation de 2, 3 ou 4 semaines selon, en tout cas leur budget. En 2015 notre bureau est à Moundou mais aujourd’hui nous avons un grand bureau à N’Djaména qui nous permet de travailler et on travaille 12 mois sur 12 tant en terme de formation, conseil, accompagnement en techniques de production dans notre ferme bien équipée avec une source indépendante, une source solaire avec un système d’irrigation goûte à goûte. C’est vraiment de la production continue 12 mois sur 12.

4. Quels sont les difficultés que vous rencontrez ?

Parlant des difficultés que nous rencontrons, au début nos offres de services n’étaient pas en face avec l’attente de la cible. Celui-ci n’était pas vraiment en mesure de payer un service et ne connaissait pas l’importance de ce service.

Ce n’est qu’en 2017 que nous avons obtenu notre tout premier petit contrat de prestation avec le Centre de Recherche d’innovation et de production technologique (CRIPT), le centre de l’actuel Ministre de l’Énergie et du Pétrole. C’était un petit marché qui nous a permis d’installer une ferme sur 1,5 hectares avec un système d’irrigation goûte à goûte. C’était notre premier contrat mais ça vraiment réussi. Cela nous a rendu très fier.

La question d’être en face avec le besoin de la cible était l’un de tous premiers soucis que nous avons eu parce que moi quand j’avais pas de difficulté, j’ai beaucoup plus envie d’éviter les côtés finances mais je ne peux pas l’éviter aussi, nous avons assez de soucis de finance. C’est-à-dire on avait un faible capital de démarrage. Démarrer une entreprise avec un fond d’un million où nous avons retiré trois cents milles pour formaliser l’entreprise, ensuite une partie est partie dans l’achat d’une moto d’occasion pour faciliter le déplacement, il ne reste que cinq cents milles pour démarrer la production. Alors, tu vois, lancer une entreprise avec un capital d’un million et avec de volet production pour nourrir deux personnes qui ont chacun une famille ça constitue vraiment des difficultés. Dès lors qu’on file la production, on va croiser le bras pour atteindre la récolte.

On ne peut pas développer d’autres activités parce que nous n’avons pas les moyens de le faire. Parce que la cible ne comprends pas aussi les offres que lui proposons. Nous, nous avons tenu le coup et rapidement nous avons gagné les compétitions offertes aux idées innovantes portées par les jeunes.

La toute première compétition que nous avions gagné en novembre 2015 est la compétition organisé par Africa consulting dénommé Tchad Talents où nous avons gagné un million. En 2017, nous avons gagné aussi le prix de la Fondation Tony Elumulu. Ensuite en 2019, nous avons gagné le prix de l’innovation numérique. C’est le grand prix que nous avions gagné environ de neuf millions et c’est une subvention MachaAllah.

Tout ceux-ci nous ont permis de pallier aux difficultés financières. Mais nous rencontrons aussi des difficulté d’ordre technique sinon logistique en terme de matériels. À vrai dire, c’est difficile au Tchad d’avoir certains matériaux par exemple pour implanter une ferme à un système d’irrigation goûte à goûte ça prend à peu près deux millions de FCFA. À cause de la cherté des matériels, il fallait le faire revenir de Douala/ Cameroun suivant tous les démarches et ça nous revenait un peu cher. Jusqu’à aujourd’hui, accéder à certains matériels ou équipements agricoles dans ce pays, ça cause vraiment un problème pour ceux qui sont dans la transformation agroalimentaire. Et nous aussi nous avons envie de basculer là-bas en créant un petit atelier de transformation agroalimentaire. Là, on est entrain de chercher par comment pourrions nous faire venir quelques, deux ou trois équipements ? Pour finir les difficultés d’accès au financement ou sous-financement au Tchad n’en parlons pas hors mis les compétitions des jeunes existantes sinon nous avons essayé partout pour un appui au niveau de certains structures comme ONAPE, COFEJS, le fond de l’entrepreneuriat jeunes de 30 milliards de francs CFA qui a été mis par le feu Maréchal Idriss Déby Itno pour pallier sinon pour soutenir les entreprises qui sont victimes des causes secondaires de Covid-19.

Malheureusement, c’est une centaine de jeunes qui en ont bénéficié sous de procédure peu clair. Donc, l’accès au financement rencontre d’énormes difficultés et aujourd’hui notre dernier souci est l’accès au marché. Tu ne pourras jamais accéder au marché au Tchad tant que tu n’as pas mis sur la table le 10 % et parfois la collecte de 10 % se fait bien avant l’avis de l’appel d’offre du marché sort. L’accès au marché est un véritable souci mais on tient le coup.

5. Vos derniers mots à l’endroit de la jeunesse ?

Mon dernier mot c’est d’abord de vous remercier pour l’occasion de me permettre de parler de mon entreprise. Ensuite c’est que je pourrais dire aux jeunes d’avoir beaucoup de courage de démarrer quelques choses. Vous pouvez le faire si vous décidez fermement de le faire. Chaque époque a son histoire et chaque génération a son histoire. Nous, notre histoire est difficile parce que nous n’avons pas la personne vers qui se tourner pour avoir un conseil ou accompagnement mais aujourd’hui les jeunes ont une autre histoire, ils peuvent s’approcher de beaucoup de gens pour se faire former ou accompagner pour recadrer leurs idées de projets et en même temps les appuyer techniquement.

Alors il est nécessaire de faire le premier pas, commencer de faire des formations pour de couvrir les notions de base sur l’entrepreneuriat parce que ce n’est pas forcément inné. Et après trouver une idée de projet pour lancer votre entreprise tout en recherchant aussi des encadreurs ou accompagnateurs puis aller à la recherche de levé de fonds. D’ailleurs ce qui différencie un entrepreneur d’un demandeur d’emploi. Ce dernier vient dire donner moi de l’emploi. Par contre, l’entrepreneur met sur la table un service à t’offrir et si tu acceptes alors tu dois en-partie payer ce service. On a tendance aujourd’hui d’ouvrir facilement la porte à un entrepreneur qu’à un demandeur d’emploi. Peu importe le secteur dans lequel vous avez partie, au niveau national presque tout est vide. Que ce soit dans l’énergie, l’agriculture, éducation, la santé ou le numérique vous n’avez pas assez de concurrents et la méthode si vous en avez, vous allez vous démarquer des autres.

Pour terminer je dirai tout simplement que ce que je n’ai pas pu le faire hier, je peux le faire aujourd’hui et ce que je n’ai pas pu faire aujourd’hui, je pourrais le faire demain.

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Commentaires

Moussé
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C'est inspirant comme article.

Ahmat Hassan Cherif
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Le coach Parfait est un icône pour la jeunesse qui veulent entreprendre.

Soumaine Rahama
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Merci beaucoup les amis.

Gapelnon Wel-paguing Séverin
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Merci beaucoup. J'aurais aimé me faire former dans votre entreprise